Prêt de main-d'œuvre illicite : ce qu'il faut savoir
Vous avez besoin d'aide pour une mission de votre entreprise et un ami entrepreneur ou partenaire de business vous propose de prêter sa main d'œuvre ? Attention : ça peut vous coûter cher si vous ne suivez pas les étapes administratives nécessaires. Mais est-ce qu'un "coup de main" ponctuel est considéré comme un prêt de main d'œuvre ? Comment assurer de prêter ou recevoir une main d'œuvre de façon légale ? Qu'en est-il du salarié et de son contrat de travail ? Voyons ce qu'il faut savoir sur le prêt de main d'œuvre illicite.
Définition : qu'est-ce que le prêt de main d'œuvre illicite ?
Le prêt de main d'œuvre consiste pour une entreprise, appelée entreprise prêteuse, à mettre un ou plusieurs salarié(s) à disposition d’une autre entreprise, appelée, entreprise utilisatrice, pendant une durée déterminée.
Comment fonctionne le prêt de main-d'œuvre ?
Une convention de mise à disposition doit être signée entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice. Cette dernière va notamment fixer :
- La durée de la disposition,
- L’identité et la qualification du ou des salarié(s) concernés,
- Le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse.
En parallèle de la convention de mise à disposition, il convient d’obtenir l’accord du salarié. Cet accord se matérialise par un avenant au contrat de travail du ou des salariés concernés par le prêt de main d'œuvre.
Lorsque les entreprises (prêteuses et utilisatrices) possèdent un CSE (Comité Social Économique), ce dernier doit être consulté préalablement à la mise à disposition.
En conclusion :
- Etape 1 : Consultation du CSE
- Etape 2 : Conclusion de la convention de mise à disposition,
- Etape 3 : Conclusion d’un avenant au contrat de travail
Quels sont les éléments constitutifs du délit de prêt de main d'œuvre illicite ?
Sauf exceptions limitativement énumérées (entreprises de travail temporaire (intérim), les entreprises de travail à temps partagé, les agences de mannequins et les associations ou sociétés sportives ou encore les organisations syndicales ou patronales) lorsque le prêt de main d'œuvre est à but lucratif, il est illicite.
En conséquence, le marchandage (article L8231-1 CT) est illicite, de même que le prêt de main d'œuvre à but exclusif hors travail temporaire et hors travail à temps partagé (article L8231-1 et L8241-1 CT).
Une opération de prêt de main d'œuvre est considérée comme ne poursuivant pas un but lucratif lorsque l'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels au titre de la mise à disposition (article L8241-1 et s.).
Quelles différences entre le prêt de main d'œuvre licite et illicite ?
Le prêt de main d’oeuvre licite est strictement encadré et consiste à ne facturer à la société utilisatrice que :
- les salaires des salariés concernés par la mise à disposition,
- les charges sociales afférentes,
- les éventuels frais professionnels.
Dans quel cas la loi autorise le prêt de main d'œuvre entre entreprises ?
Pour être licite, le prêt de main d’oeuvre doit être à but non lucratif et avoir été conclu conformément à la procédure :
- Consultation du CSE de l’entreprise prêteuse et de l’entreprise utilisatrice préalablement à la mise à disposition (s’ils existent),
- Elaboration d’une convention de mise à disposition,
- Avenant au contrat de travail du ou des salariés concernés.
- prêt de main d'œuvre à but lucratif, strictement encadré par le Code du travail et donc licite à savoir : entreprises de travail temporaire (intérim), les entreprises de travail à temps partagé, les agences de mannequins et les associations ou sociétés sportives ou encore les organisations syndicales ou patronales
- Les entreprises qui ont au moins 5 000 salariés ou les entreprises dont le groupe est d'au moins 5 000 salariés peuvent mettre à disposition, pour une durée maximale de 2 ans, leurs salariés auprès d'une jeune ou d'une PME, en sous-facturant l'opération. Attention, pour être licite, le prêt ne doit pas se faire au sein de sociétés appartenant au même groupe (article L 8241-3 CT). L’entreprise utilisatrice doit être une jeune entreprise qui a moins de 8 ans d'existence et une PME de moins de 250 salariés. Dans ces conditions strictes, le montant facturé par l'entreprise prêteuse à l'entreprise utilisatrice peut être inférieur aux salaires versés au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de sa mise à disposition. Ce montant peut même être égal à zéro.
Quel statut pour le salarié mis à disposition ?
Le salarié continue à appartenir aux effectifs de la société prêteuse, c'est-à-dire, sa société d’origine. Son contrat de travail n’est pas suspendu. Cependant, pendant le temps de la mise à disposition, le salarié a accès aux installations de l’entreprise utilisatrice. Ses consignes relatives à l’exécution de son travail seront alors données par l’entreprise utilisatrice. Dans ce cadre, au sein de son avenant au contrat de travail, il sera indiqué qui sera son supérieur hiérarchique au sein de l’entreprise utilisatrice durant le temps de la mise à disposition. A l’issue de la mise à disposition, le salarié retrouve son poste au sein de l’entreprise prêteuse, où un poste équivalent.
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Comment éviter le prêt de main-d'œuvre illicite ?
- Le prêt de main d’oeuvre ne doit pas avoir pour effet d’éluder les dispositions d’une convention collective, du code du travail ou d’un accord d’entreprise
- L'entreprise prêteuse ne doit pas facturer à l'entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition plus que les salaires versés au salarié ainsi que les charges sociales afférentes et les frais professionnels.
Comment faire une facture de prêt de main-d'œuvre ?
L’entreprise utilisatrice reçoit une facture de l’entreprise prêteuse égale à ce que la mise à disposition a coûté : salaire chargé + variable (frais professionnels).
Comment prouver le délit de marchandage ?
Rappel de la définition juridique de la notion de marchandage donnée par le Code du travail : Toute opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail est interdite (article L8231-1 CT)
Le délit de marchandage est constitué (et donc sanctionné pénalement) lorsque deux éléments sont réunis :
1/ Il faut un fait matériel qui consiste en la fourniture de main-d'oeuvre à but lucratif ;
2/ Il faut un fait dommageable qui va résulter soit d'un préjudice causé aux salariés, soit de la non-application des dispositions légales, conventionnelles ou encore de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail
Quelles sont les sanctions du prêt de main d'œuvre illicite ?
Le prêt de main d'œuvre illicite est sanctionné lourdement, pénalement, administrativement et civilement.
- Dans un premier temps, une sanction pénale peut être prononcée : jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 €. Attention, le montant peut être porté à 150 000 € pour une personne morale.
Ces peines peuvent être aggravées à :
- 5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende lorsque l'infraction est commise à l'égard de plusieurs personnes ou à l'égard d'une personne dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou connus de l'auteur ;
- 10 ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.
- Des peines complémentaires peuvent être prononcées telles que :
- interdiction d'exercer certaines activités professionnelles,
- exclusion des marchés publics,
- publication du jugement dans les journaux.
- Des sanctions administratives peuvent également être appliquées – suppression des aides publiques, pendant une durée maximale de 5 ans,
- remboursement des aides publiques déjà perçues,
- fermeture temporaire de l'entreprise pour une durée maximale de 3 mois
- Sanctions civiles : nullité de plein droit de la convention liant l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice.
A noter : des sanctions prud’homales pourraient également venir s’ajouter, notamment dans le cas où le prêt de main d’oeuvre a créé un préjudice au salarié.
Qui peut être sanctionné en cas de prêt illicite de main d’œuvre ?
La personne physique est susceptible de condamnation c'est-à-dire la personne ayant fourni la main d'œuvre + la personne morale.
Cadre juridique du prêt de main d'œuvre illicite
Les conséquences d'une convention de mise à disposition non conforme
En cas de convention de mise à disposition non conforme, notamment en l’absence de certaines mentions obligatoires, le prêt de main d’oeuvre pourrait être qualifié de prêt de main d’oeuvre à but lucratif, avec toutes les sanctions qui y sont attachées. Cette pratique pourrait aller jusqu’au travail dissimulé. Il est donc important de veiller à intégrer toutes les mentions obligatoires au sein de la convention de mise à disposition.
Comment prouver l’existence d’un prêt de main d'œuvre Illicite ?
Le délit de prêt de main d’oeuvre est constitué (et donc sanctionné pénalement) lorsque deux éléments sont réunis :
1/ Il faut que la fourniture de main-d'œuvre se fasse à but lucratif. Le caractère lucratif d'une activité suppose que l'intéressé qui l'exerce en retire un bénéfice, un profit, ou un gain pécuniaire alors que le caractère onéreux s'oppose en principe à la gratuité et implique que celui qui exécute la prestation est simplement rémunéré (ex : gain résultant d’une différence entre le prix facturé par la société prêteuse et le prix réel de la main d’oeuvre, lorsque l’entreprise utilisatrice ne supporte pas les charges salariales etc…)
2/ La prestation doit se faire à titre exclusif. Pour avoir le caractère exclusif, le contrat conclu entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice doit avoir pour seul objet le prêt de main d'œuvre.
Quelle est la différence entre le délit de marchandage et le prêt de main d'œuvre exclusif?
Le délit de marchandage n’exige pas que l’opération prohibée ait un caractère exclusif.
Les deux qualifications pourront donc se cumuler si l’opération a un caractère exclusif et qu’elle cause un préjudice au salarié.
- Le délit de marchandage exige que l’opération crée un préjudice au salarié OU d'éluder l ’application de dispositions légales, conventionnelles ou d’un accord d’entreprise.
Voici un exemple : le salarié est prêté à un salaire inférieur aux salariés de l’entreprise utilisatrice, ce qui mène à une perte de droits au CSE, et une privation de l’intéressement ou de la participation.